Réduite au silence par l’industrie des pesticides ?

Dans cette newsletter : comment soutenir la lanceuse d’alerte Valérie Murat, la poursuite de la bataille du glyphosate dans l’UE, et les coûts (cachés) des pesticides sur notre santé et notre environnement.

Soutenez V. Murat face à l’industrie des pesticides

Quel est le crime commis par Valérie Murat ? Cette courageuse citoyenne a osé critiquer l’industrie toute puissante des vins de Bordeaux. Avec son association Alerte aux toxiques, elle a révélé la présence de pesticides dangereux dans des vins certifiés "Haute Valeur Environnementale". Accusée de dénigrement et poursuivie par le Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux et d’autres syndicats viticoles, V. Murat et Alerte aux toxiques doivent verser 125 000 € d’amende aux plaignants. Le tribunal a récemment décidé qu’aucun appel ne serait possible avant le paiement de cette somme : cela est scandaleux ! En cliquant ici, vous aiderez V. Murat à lever les fonds nécessaires et montrerez à l’industrie des pesticides qu’elle ne se laissera pas réduire au silence.

La mobilisation pour l'interdiction du glyphosate s'intensifie

L’autorisation de l’utilisation du glyphosate dans l'UE expirera en décembre 2022. Des fabricants comme Bayer-Monsanto demandent une prolongation, alors que des instituts scientifiques de 4 pays de l'UE ont déjà donné leur feu vert en juin : leurs méthodes sont pourtant dépassées et défectueuses. Une étude indépendante réalisée par des chercheurs spécialisés dans le domaine du cancer montre que leur avis repose sur une analyse erronée. Seules 2 des 35 études fournies par Bayer sont fiables, 15 sont partiellement fiables et 18 sont jugées non fiables. D’après l'auteur principal Siegfried Knasmüller. "Aucune des lacunes les plus importantes en matière de connaissances n'a été adressée". Le fabricant a omis les études utilisant des méthodes modernes qui montrent que le glyphosate endommage l'ADN dans le foie et dans d’autres organes. Les modèles de test utilisés dans les études de Bayer ont plus de 30 ans. "Les modèles utilisés dans ces études ne détectent que 5 à 6 agents cancérigènes sur 10", explique le Dr Knasmüller.

En 2015, le Centre International de Recherche sur le Cancer avait conclu qu'il existe des "preuves solides" que l'exposition au glyphosate peut endommager l'ADN. Mais en 2017, l'UE a conclu le contraire et a prolongé l’autorisation pour 5 ans. "Il semble maintenant que l'UE répète la même erreur", a déclaré Knasmüller.

Par ailleurs, des tribunaux américains ont jugé que le Roundup est probablement à l’origine de cancers, et que Bayer a agi avec malveillance en dissimulant ce fait. Depuis, plus de 125 000 plaintes ont été déposées par des plaignant∙es qui affirment que l'utilisation du glyphosate a contribué à leur lymphome non hodgkinien. Dans un cadre de règlement à l’amiable, Bayer a versé près de 9 milliards d'euros aux victimes l'année dernière. De plus, l’entreprise va cesser de vendre le produit aux non professionnel∙les.

Par le passé, l'UE refusait de publier les études fournies par les fabricants. Cela a changé grâce à l'Initiative Citoyenne Européenne (ICE) "Stop Glyphosate" de 2017 et un arrêt de la Cour de justice de l'UE. Pour la première fois, des chercheurs indépendants ont pu examiner les documents de l'industrie des pesticides. À présent, les agences européennes doivent émettre un avis, et les États membres prendront une décision finale sur le glyphosate l'année prochaine. Après le succès de l'appel à la sortie des pesticides lancé par l'ICE "Sauvons les abeilles et les agriculteurs", il serait honteux de prolonger l’autorisation du glyphosate. Une nouvelle bataille se prépare et nous ne manquerons pas de vous en informer. Entre-temps, le nouveau gouvernement allemand a annoncé la sortie du glyphosate d'ici fin 2023.


Bayer fait pression pour affaiblir les politiques climatiques et environnementales

L'industrie agrochimique est estimée à 234 milliards de dollars dans le monde : les producteurs de pesticides et d'engrais constituent un puissant lobby au sein de l'UE et dans le monde entier. Une récente enquête (en anglais) de DeSmog a révélé que des géants de l'industrie tels que Bayer, BASF et Corteva ont déployé des efforts considérables pour influencer l'UE et ses décideurs. D'autres, comme CropLife et le Glyphosate Renewal Group, ont fait pression sur l'UE pour qu'elle continue à autoriser l'utilisation de certains produits chimiques controversés. Ces entreprises ont contribué au processus d'élaboration des politiques par bien des moyens : participation à des groupes d'expert∙es consultés sur les nouvelles politiques, parrainage de médias et d'événements axés sur l'UE ainsi que d’événements auxquels participent des fonctionnaires et d'autres décideurs, rencontres avec ces derniers, etc.

Interdire les pesticides pour prévenir l'épidémie de Parkinson

Les preuves qu'une exposition prolongée aux pesticides peut entraîner des troubles cérébraux comme la maladie de Parkinson s’accumulent. En France, Parkinson est reconnue comme une maladie professionnelle dans le monde agricole, et l'Allemagne envisage de faire de même. L'association Parkinson des Pays-Bas a demandé à son organe consultatif de se pencher sur la question. Les résultats ne sont pas réjouissants. "Plus de 7 millions de personnes dans le monde sont atteintes de la maladie de Parkinson, et c'est la maladie du cerveau qui connaît la croissance la plus rapide au monde", a déclaré Pr Bas Bloem, neurologue à l'université Radboud. D'après lui, il y a suffisamment de preuves du lien entre l'utilisation de pesticides et la maladie de Parkinson. "C'est incroyablement urgent ! Comment expliquer aux générations futures qu'elles ont contracté la maladie de Parkinson parce que nous avons hésité à prendre des mesures ?"


Les coûts cachés des pesticides

Au cours des 20 dernières années, le marché mondial des pesticides a doublé, pour atteindre un chiffre d'affaires de 53 milliards d'euros en 2020 (60 milliards de dollars). Cela se traduit d'une part par des profits énormes pour l'industrie des pesticides, et d'autre part par des coûts énormes pour la société. Dans l'UE, les bénéfices directs des entreprises et de leurs actionnaires s'élèvent à 0,9 milliard d'euros par an, tandis que les coûts directs pour la société sont de 2,3 milliards d'euros. À cela s'ajoutent d’énormes coûts indirects, notamment pour le soutien aux agriculteurs, le traitement de l'eau, les mesures visant à contrer la perte de biodiversité et les soins de santé. Pour en savoir plus, lisez l'étude "Pesticides : un modèle qui nous est cher", publiée par Basic, CCFD-Terre Solidaire et Pollinis.

La FAO exhortée à renoncer aux partenariats avec l'industrie des pesticides

Le 3 décembre, des associations représentatives de la société civile et des peuples autochtones ont remis 187 000 signatures provenant de 107 pays au directeur général de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), Qu Dongyu. Elles demandent à ce que la FAO mette fin à son partenariat avec CropLife International, une association représentant les plus grandes entreprises agrochimiques du monde (dont Bayer bien sûr). La pétition mondiale a été coordonnée par Pesticide Action Network, Les Amis de la Terre, SumOfUs et le Center for International Environmental Law. Pour en savoir plus, consultez leur communiqué de presse.


Vers un monde sans pesticides — pouvez-vous appuyer notre travail ?

Nous avons activement soutenu l'ICE "Sauvons les abeilles et les agriculteurs". Selon nous, elle peut changer la donne. Si l'UE s'oriente vers une agriculture durable et sans pesticides, elle constituera un exemple important et indispensable pour le reste du monde. L'année 2022 s'avérera cruciale, avec les prochaines étapes de l’ICE, et la discussion sur le renouvellement de l’autorisation du glyphosate ou son interdiction. Si vous pensez que notre travail est important, nous vous remercions de le soutenir en cliquant ici.

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