Bayer Monsanto en grande difficulté

Dans cette newsletter : de nouvelles informations sur le Roundup, le dicamba, le coton Bt, la stratégie de Bayer et un hommage à Fabián Tomasi.

 

En août dernier, Monsanto était condamnée à verser 248 millions d’euros à DeWayne Johnson, un jardinier américain qui utilisait régulièrement du Roundup au travail, et se trouve maintenant en phase terminale d’une forme rare de cancer. Vous avez sans doute entendu cette nouvelle, rapportée dans beaucoup de médias (en tout cas en Europe) ! Cette newsletter contient plus d’informations sur cette affaire, sur Bayer Monsanto, et sur la lutte pour un système alimentaire et un monde plus justes.

Verdict de l’affaire DeWayne Johnson : victoire juridique sur le glyphosate

Vous connaissez sans doute la bonne nouvelle : une cour américaine a condamné Monsanto à verser 248 millions d’euros à un homme souffrant d’un lymphome non Hodgkinien, une maladie rare pouvant être liée au Roundup, herbicide à base de glyphosate. Des victimes de cette grave maladie et leur avocat avaient témoigné au Tribunal Monsanto. Pendant très longtemps, Monsanto, désormais Bayer, a œuvré à dissimuler des preuves scientifiques pour protéger ses activités commerciales. Les documents internes de l’entreprise, vite baptisés les "Monsanto Papers", ont joué un grand rôle dans ce procès en convainquant le jury que Monsanto a agi "avec malveillance" en évitant d’avertir le public des risques posés par ses produits.

 

Bayer Monsanto a bien sûr fait appel; cela n’atténue pas le fait que l’entreprise traverse une crise sans précédent. Après le jugement, les actions de Bayer ont chuté de presque 20 %, entraînant une perte de valeur de 11 millions d’euros. Après une légère augmentation, le cours a diminué à nouveau de 14 % début septembre.

Le pire est cependant à venir. En effet, l’affaire Johnson ne représente qu’une des 8 000 affaires de lymphome non Hodgkinien liées au glyphosate. Le prochain procès est prévu en février aux États-Unis. Retrouvez plus d’informations sur Justice Pesticides. Bien d’autres affaires liées au glyphosate pourraient suivre, comme les 40 000 cas d’insuffisance rénale rapportés au Sri Lanka ou encore les innombrables maladies et malformations congénitales affectant la population autour des plantations de soja transgénique en Amérique latine.

Le glyphosate n’est pas le seul problème de Bayer Monsanto : ses nouvelles cultures OGM résistantes au dicamba posent aussi de sérieuses difficultés, tout comme la technologie Bt (coton et maïs), une autre grande source de ses revenus jusqu’à présent. De plus, d’anciens procès liés aux PCB et à l’Agent orange viennent maintenant hanter Bayer. L’entreprise réagit en tentant de faire croire au public que ses technologies “d’avenir” permettront de nourrir de manière durable 10 milliards d’êtres humains en 2050. Ne les laissez pas dominer le discours. Aidez-nous à contrer de tels mensonges en soutenant notre travail dès maintenant.


Hommage à Fabián Tomasi

Nous envoyons cette newsletter en hommage à Fabián Tomasi, décédé le 7 septembre à l’âge de 53 ans. Cet ouvrier agricole argentin était devenu au fur et à mesure des années un militant anti-pesticide malgré lui; il ne s’était pourtant jamais décrit comme un écologiste. Fabián avait pour tâche le remplissage des cuves des avions d’épandage. Il a manipulé bien des produits chimiques, dont le glyphosate, le 2-4D, le gramoxone… Touché par une grave polyneuropathie toxique, Fabián souffrait en permanence. Il a fait de son corps le symbole de la lutte contre l’avidité des compagnies agrochimiques.

Soutien du Tribunal Monsanto, il intervenait fréquemment dans des écoles et centres communautaires en Argentine. Nous continuerons de nous battre contre Bayer Monsanto et les autres en sa mémoire.


Brésil : un tribunal tente de suspendre les autorisations de pesticides

Le 3 août dernier au Brésil, un juge fédéral a ordonné l’interdiction de concéder de nouvelles autorisations pour les produits agricoles contenant de l’abamectine, du glyphosate et du thirame, et la suspension des autorisations en cours concernant les mêmes produits.

En effet, le principe de précaution renvoie la charge de la preuve vers les fabricants de pesticides et l’ANVISA, l’agence nationale de surveillance sanitaire : à eux de prouver que ces produits ne posent pas de risques. Le ministre brésilien de l’Agriculture (et grand défenseur de l’agriculture industrielle) Blairo Maggi n’a pas tardé à réagir. Pour lui, une interdiction serait désastreuse pour l’agriculture et il n’existerait pas d’alternative à ces produits chimiques. Début septembre, le tribunal a annulé sa décision après la contestation faite par l’avocat général de l’ANVISA. Retrouvez plus d’informations sur Justice Pesticides.


Crise du dicamba

Les mauvaises herbes résistant maintenant au glyphosate, Monsanto et BASF ont développé des cultures OGM tolérantes à un autre herbicide, le dicamba. Cependant, le vent propage facilement le dicamba, hautement volatile, vers les champs environnants. 181 agriculteurs ont déjà lancé des poursuites contre Monsanto, son dicamba et son « Roundup Ready Xtend Crop System » dans au moins huit États américains. Les plaignants exigent des réparations pour leurs récoltes endommagées par le dicamba. Un recours collectif pourra représenter des milliers de plaignants.

Devant une cour d’appel fédérale, des associations de défense de l’environnement ont avancé que l’Agence de Protection de l’Environnement (EPA) n’a pas correctement analysé les risques et devrait annuler l’autorisation de XtendiMax. Le juge William Fletcher a douté du fait que l’EPA se soit appuyée sur des études suffisantes pour prendre sa décision. "Après tout, vous aviez finalement tort" a-t-il dit en référence à une étude universitaire révélant que 1 214 millions d’hectares, soit 4 % des cultures de soja américaines, avaient été détruits par la propagation du dicamba durant la période des semis en 2017. Cliquez ici pour en savoir plus.


L’échec du coton Bt

C’est bien toute la gamme de produits OGM de Bayer Monsanto qui traverse une crise. La technologie Bt, vantée comme un véritable miracle à ses débuts, rencontre bien des difficultés. Les plantes Bt contiennent les gènes d’une bactérie qui produit une toxine insecticide. En Inde, la quasi-totalité du coton cultivé est désormais Bt. Le rendement des dernières récoltes décline, les insectes font de la résistance et l’utilisation d’engrais et de pesticides a massivement augmenté depuis l’introduction de la technologie Bt.

Le seul argument commercial du coton Bt était que l’insecticide « incorporé » allait réduire l’utilisation des pesticides chimiques. Les données disponibles peignent un autre tableau : le coton Bt a en effet réduit le besoin en pesticides il y a des années, mais cette tendance n’a pas duré. À présent, les agriculteurs utilisent autant de pesticides qu’avant la généralisation du coton Bt, dont les semences sont très coûteuses. De plus, la toxine produite s’avère dangereuse pour d’autres insectes que ceux visés.

Que de mauvaises nouvelles pour Bayer Monsanto, pour l’Agence des États-Unis pour le développement international et pour le projet de Mahyco-Monsanto au Bangladesh. Ce dernier tente d’introduire des semences de légumes OGM dans le pays avec le brinjal (aubergine) Bt. Farida Akhter, porte-parole du mouvement paysan Nayakrishi Andolon et analyste politique, avait déjà prévenu le public des risques du brinjal Bt pour la santé, la biodiversité et l’environnement au Tribunal Monsanto. L'échec du coton Bt en Inde ne vient qu'appuyer ses argumentsCliquez ici pour en savoir plus sur le coton Bt en Inde (en anglais).


Vloguer pour mieux influencer

« Aujourd’hui nous accueillons un groupe international de blogueurs et vlogueurs alimentation sur notre Ferme du Futur à Abbenes (NL). Les agriculteurs néerlandais parlent d’agriculture durable ». On croirait un projet lancé par une organisation promouvant l’agroécologie. Il s’agit pourtant d’un tweet (et d’un projet) de Bayer. À quoi ressemble l’avenir radieux promis par Bayer ? Voyez ci-dessous...


Bayer abandonnera-t-elle le glyphosate ?

Pas vraiment, non. Au contraire, l’entreprise travaille à rassembler une vaste coalition dans le secteur agricole mondial pour conserver le glyphosate sur le marché. Lors d’une conférence de presse internationale le 19 septembre en Allemagne, le responsable développement durable de Bayer CropScience,  Jesus Madrazo, a déclaré : « Le glyphosate est efficace, totalement sûr et a un faible impact environnemental [...] Ce produit est trop important pour les systèmes agricoles durables et innovateurs à travers le monde, il ne peut pas disparaître comme ça. De plus, il n’existe pas d’alternative acceptable et disponible dans un futur proche. »

Par conséquent, Bayer prévoit d’abreuver le public d’informations au sujet du glyphosate. Madrazo a poursuivi : « Nous voulons présenter les informations pertinentes et pour cela, nous préparons des dialogues comme celui-ci. Nous utiliserons les réseaux sociaux pour toucher un large public. De plus, nous demandons aux gouvernements de baser leur autorisation du glyphosate sur des informations scientifiques et de ne pas jouer un jeu politique. »

Durant la réunion, Madrazo a reçu le soutien de son collègue Bill Reeves, anciennement chargé des procédures d’autorisation aux États-Unis pour Monsanto et maintenant pour Bayer. Le porte-parole du National Farmers’ Union britannique (syndicat national des agriculteurs) Guy Smith a également décrit le glyphosate comme indispensable, pour appuyer le tableau présenté par Bayer. Ne vous inquiétez pas, Bayer sauvera le monde et nourrira 10 milliards de bouches. Mais pour nourrir la planète, il faut apparemment l’empoisonner...


Le livre noir des pesticides — Syngenta, le Monsanto suisse

Syngenta est le premier fabricant de pesticides au monde. La firme suisse produit, entre autres, les tristement célèbres atrazine et paraquat. Dans Le livre noir des pesticides — Syngenta, le Monsanto suisse, l’ONG suisse Multiwatch enquête sur les pratiques de Syngenta ainsi que sa collection d’"affaires" : corruption, violence politique, pollution, etc. Déjà disponible en français, allemand et espagnol), il existe dorénavant en anglais en version électronique et gratuitement téléchargeable. Ce livre est dédié à Keno, un représentant du Mouvement des sans-terre assassiné en 2007 par une compagnie de sécurité privée mandatée par Syngenta.

 
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Le Tribunal Monsanto s’est révélé très utile pour révéler à un large public les souffrances et dommages causés par Monsanto. Nous avons diffusé et mis en avant l’avis consultatif autant que possible. Nous continuerons de contrer la propagande agro-industrielle et d’exiger que Bayer Monsanto soit tenue responsable pour ses crimes contre la nature et contre l’humanité. Nous vous remercions de votre soutien.

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